Intégristes ou traditionalistes?

Des nostalgiques de la messe en latin ?

L’objet de cet article n’est pas de défendre les thèses traditionalistes, mais d’exposer clairement ce que c’est. N’attendez donc pas un argumentaire expliquant en quoi tel ou tel camp a raison. J’expose le point de vue des concernés, c’est tout. Pour les justifications, je vous invite à contacter directement les Prêtres concernés. Je peux, à la rigueur, vous conseiller certains livres.

Être « tradi » ne se limite pas seulement à être fan de la messe en latin, ce terme regroupe des catholiques mécontents pour des raisons très élaborées.

La Messe en latin

Parlons dans un premier temps de cette fameuse Messe en latin, sujet de bien des fantasmes. Selon le concile Vatican II la langue de la Messe est le latin. La langue vernaculaire (du pays) ne devant être utilisée qu’exceptionnellement. Ainsi, en théorie, la nouvelle Messe de 1969 (Novum Ordo Missae ou encore « Messe Paul VI ») devrait être dite en latin.

L’objet de la discorde n’est pas le latin en lui-même, mais le rite proprement dit.

Les tradis défendent la « Messe de toujours » (Messe Tridentine ou encore « Messe St Pie V »), codifiée par Saint Pie V, à la suite du concile de Trente (1563), contre la nouvelle Messe, créée en 1969 par Paul VI, à la suite du Concile Vatican II (1962).

Dans la Messe Tridentine la liturgie est en effet en latin, mais les lectures et le sermon sont en français (contrairement à cette idée répandue du tout en latin et uniquement en latin !).

Intégristes ?

Le terme d’intégriste, terme journalistique, a été inventé pour stigmatiser un groupe « antimoderniste » qui prône « un catholicisme de toujours ». Ce terme a toujours été refusé par ceux que les médias, et donc les gens, désignent ainsi. Ils se disent tout simplement Catholiques, ou, s’il faut vraiment utiliser une épithète, traditionalistes.

Il y a plusieurs traditionalismes

Les traditionalistes sont nés autour des années 1970, par lassitude devant les célébrations biscornues qui se sont généralisées, suite à la promulgation du nouveau Missel et au droit de « personnalisation » de la liturgie qui a été détourné.

La plupart se sont engagés dans un mouvement s’opposant à certains points de doctrines du Concile Vatican II, comme la liberté religieuse, l’œcuménisme ou la collégialité des évêques.

Tradis culturels et tradis politiques

Certains regrettaient simplement le chant grégorien et se groupèrent dans l’association Una Voce. Mais d’autres avaient des convictions politiques et/ou religieuses, que choquaient les « curés communistes » et autres prêtres ouvriers. Le courant s’est étendu avec le temps suite à l’action de Mgr Lefebvre.

Des laïcs organisent des « messes sauvages »

Parmi les plus durs, certains vont jusqu’à contester la validité de la « nouvelle messe ». D’autres expriment simplement des doutes et préfèrent se raccrocher à une valeur sûre. Quant aux sédévacantistes (de « sede vacante » : trône vacant), ils affirment que les papes récents ne sont que des imposteurs et qu’il n’y a plus de pape actuellement (car « un Pape ne peut pas enseigner d’hérésie », Léon XIII).

Ces catholiques mécontents de tous bords se sont groupés à partir de 1970 en associations de laïcs qui organisaient un culte catholique souvent hors des églises paroissiales (maisons privées, salles publiques, chapelles ou églises désaffectées, granges…), l’accès leur étant interdit, les Evêques préférant fermer une église que de la confier aux traditionalistes. On parlait alors de « messes sauvages ». Ces associations ont très vite soutenu Monseigneur Lefebvre et sa Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (Patronage du Saint Pape ayant annoncé et condamné les erreurs du modernisme), la seule personne capable de remédier, avec l’envoi de ses jeunes prêtres, au vieillissement du clergé traditionaliste « rebelle ».

On distingue trois grandes tendances traditionalistes

  • La FSSPX, dont le combat ne se limite pas à la simple défense de la Messe Tridentine, mais aux questions doctrinales.
  • Les communautés qui se réclament du motu proprio « Ecclesia Dei« .
    • Celles qui se sont « ralliées » à Rome à partir de 1988 à cause de l’excommunication. Excommunication survenue lorsque Mgr Lefebvre a sacré quatre évêques contre le gré du Pape. Il s’agit de la Fraternité Saint-Pierre et de quelques monastères amis comme Sainte-Madeleine du Barroux.
    • L’Institut du Bon Pasteur (qui réunit, sous la direction de l’abbé Philippe Laguérie, ceux qui se sont séparés de la FSSPX pour des questions de gouvernance en 2006).
    • L’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (1990), qui n’a jamais été uni à la FSSPX, et une multitude d’autres communautés.
  • Les prêtres se réclamant du motu proprio « Summorum Pontificum » (2007) libéralisant la célébration de la Messe Tridentine en rappelant, notamment, que celle-ci n’a jamais été interdite et qu’elle ne doit pas l’être. Ce ne sont pas des traditionalistes à proprement parler, car ils approuvent sans réserve (officiellement en tout cas) les points doctrinaux conflictuels.

Un mot sur le sacre des 4 Evêques par monseigneur Lefebvre

On lit souvent que la FSSPX est schismatique, ce qui est incorrect. Un schisme consiste à se séparer de Rome et à fonder une nouvelle Eglise (cf. l’Orthodoxie).

Monseigneur Lefebvre et la FSSPX se sont toujours affirmés comme fidèle au Trône de Saint Pierre et à l’Église Catholique. Il n’a jamais été dans son intention de créer une église parallèle ou de ne pas reconnaître le Pape comme successeur légitime de Saint Pierre. (« Certains m’accusent de m’ériger en Pape. C’est faux, absolument faux. Je ne suis qu’un Evêque, un Evêque de l’Eglise Catholique qui continue à transmettre, à transmettre la Doctrine » Mgr. Lefebvre). C’est pourquoi les sédévacantistes sont exclus de la FSSPX.

Le terme de schisme est utilisé par les ignorants et les opposants de la FSSPX, à des fins malicieuses.

Si monseigneur Lefebvre a sacré les quatre Evêques c’est parce que Rome (Rome ne se limite pas au Pape, il faut compter tous les Prélats, dont les modernistes qui ont une grande influence) voulait que la Tradition meure avec lui (Seul un Evêque peut ordonner des Prêtres).

C’est donc ad majorem Dei gloriam et pour le Salut des âmes, pour la survie de l’authentique Doctrine de l’Eglise qu’il a agi ainsi. La fin première de l’Eglise étant le Salut des âmes, cette nécessité est supérieure au Droit Canon s’il advenait que certains articles, dans certaines circonstances, empêchaient d’atteindre cette fin première.

La FSSPX estime que la nouvelle Messe et que certains points du nouveau Catéchisme comportent un risque non négligeable de protestantisation des fidèles et donc un risque notable pour le Salut de leur âme.

Les néo-tradis

Aujourd’hui être « tradi » étant bien vu dans certains milieux (chez les jeunes en tout cas), le terme est revendiqué par des jeunes catholiques ne suivant pas la Messe Tridentine, mais qui restent attachés aux valeurs catholiques traditionnelles (virginité avant le mariage, lutte contre l’avortement, refus des moyens de contraception, fidélité, etc.), pour se distinguer des néo-catholiques modernistes, à forte tendance protestante.

Au regard de ce que nous avons vu jusqu’à présent, il convient de noter que cette revendication est « abusive » et que le terme de « conservateurs » serait plus approprié. Même s’il est regrettable de devoir utiliser un adjectif pour distinguer les Catholiques fidèles aux Commandements de Dieu et de son Eglise des néo-catholiques…

« Il est, dans cette confusion des idées où des chrétiens semblent maintenant se complaire, une tendance particulièrement préjudiciable à la foi et d’autant plus dangereuse qu’elle se présente sous les apparences de la charité. Le mot, apparu en 1927 lors d’un congrès qui s’est tenu à Lausanne, devrait par lui-même mettre en garde les catholiques, s’ils se référaient à la définition qu’en donnent tous les dictionnaires : « Œcuménisme : mouvement favorable à la réunion de toutes les Eglises chrétiennes en une seule. » On ne peut pas fondre des principes contradictoires, c’est l’évidence, on ne peut pas réunir, de façon à n’en faire qu’une seule chose, la vérité et l’erreur. A moins d’adopter les erreurs et de rejeter tout ou partie de la vérité. L’œcuménisme se condamne de lui-même.

Le terme a connu une telle vogue depuis le dernier concile, qu’il a pénétré le langage profane. On parle d’œcuménisme universitaire, d’œcuménisme informatique, que sais-je encore, pour exprimer un goût ou un parti pris de diversité, d’éclectisme.

Dans le langage religieux, l’œcuménisme s’est étendu dernièrement aux religions non chrétiennes, en se traduisant aussitôt dans les actes. Un journal de l’Ouest nous indique par un exemple précis la façon dont se fait l’évolution : dans une petite paroisse de la région de Cherbourg, la population catholique se préoccupe des travailleurs musulmans qui viennent d’arriver sur un chantier. C’est une démarche charitable dont on ne peut que les féliciter. En une deuxième phase, nous voyons les musulmans demander un local pour fêter le Ramadan et les chrétiens leur offrir le sous-sol de leur église. Puis commence à fonctionner dans cet endroit une école coranique. Au bout de deux ans, les chrétiens invitent les musulmans à fêter Noël avec eux « autour d’une prière commune préparée à partir d’extraits des sourates du Coran et des versets de l’Evangile ». La charité mal entendue a conduit ces chrétiens à pactiser avec l’erreur.

A Lille, les dominicaines ont offert une chapelle aux musulmans pour être transformée en mosquée. A Versailles, on a quêté dans les églises pour « l’achat d’un lieu de culte pour les musulmans ». Deux autres chapelles leur ont été cédées à Roubaix et Marseille, ainsi qu’une église à Argenteuil. Les catholiques se font les apôtres du pire ennemi de l’Eglise du Christ, qui est l’islam, et offrent leurs oboles à Mahomet ! Il y a, paraît-il, plus de 400 mosquées en France et dans beaucoup de cas ce sont les catholiques qui ont donné l’argent pour leur construction.

Toutes les religions ont aujourd’hui droit de cité dans l’Eglise. Un cardinal français célébrait un jour la messe en présence de moines tibétains que l’on avait placés au premier rang, vêtus de leurs habits de cérémonie, et s’inclinait devant eux tandis qu’un animateur annonçait : « Les bonzes participeront avec nous à la célébration eucharistique. » Dans une église de Rennes a été célébré le culte de Bouddha ; en Italie, vingt moines ont été initiés solennellement au Zen par un bouddhiste.

Je n’en finirais pas de citer les exemples de syncrétisme auxquels nous assistons. On voit se développer des associations, naître des mouvements qui trouvent toujours pour les présider un ecclésiastique en recherche, comme celle qui veut aboutir à la « fusion de toutes les spiritualités dans l’amour ». Ou des projets étonnants comme la transformation de Notre-Dame-de-la-Garde en lieu de culte monothéiste pour les chrétiens, les musulmans et les juifs, projet heureusement contrecarré par des groupes de laïcs.

L’œcuménisme, dans son acception étroite, donc réservé aux chrétiens, fait organiser des célébrations eucharistiques communes avec les protestants, ainsi que cela s’est fait en particulier à Strasbourg. Ou bien ce sont les anglicans que l’on invite dans la cathédrale de Chartres pour célébrer la « Cène eucharistique ». La seule célébration qui ne soit admise ni à Chartres, ni à Strasbourg, ni à Rennes, ni à Marseille est celle de la sainte messe selon le rite codifié par saint Pie V.

Quelle conclusion peut tirer de tout cela le catholique qui voit les autorités ecclésiastiques couvrir d’aussi scandaleuses cérémonies ? Que toutes les religions se valent, qu’il pourrait très bien faire son salut chez les bouddhistes ou les protestants. Il court le risque de perdre la foi dans la sainte Eglise. C’est bien ce qu’on lui suggère ; on veut soumettre l’Eglise au droit commun, on veut la mettre sur le même pied, sur le même plan que les autres religions, on se refuse à dire, même parmi les prêtres, les séminaristes et les professeurs de séminaire, que l’Eglise catholique est la seule Eglise, qu’elle a la vérité, qu’elle est la seule capable de donner le salut aux hommes par Jésus-Christ. On dit maintenant ouvertement : « L’Eglise n’est qu’un ferment spirituel dans la société, mais à l’égal des autres religions ; un peu plus que les autres, peut-être… » On accepte à la rigueur, et pas toujours, de lui accorder une légère supériorité.

Dans ce cas, l’Eglise serait seulement utile, elle ne serait plus nécessaire. Elle constituerait un des moyens de faire son salut.
Il faut le dire nettement : une telle conception s’oppose d’une façon radicale au dogme même de l’Eglise catholique. L’Eglise est la seule arche du salut, nous ne devons pas avoir peur de l’affirmer. Vous avez souvent entendu dire : « Hors de l’Eglise, point de salut » et cela choque les mentalités contemporaines. Il est facile de faire croire que ce principe n’est plus en vigueur, qu’on en est revenu. Il paraît d’une sévérité excessive.

Pourtant, rien n’est changé, rien ne peut être changé en ce domaine. Notre-Seigneur n’a pas fondé plusieurs Eglises, il n’en a fondé qu’une. Il n’y a qu’une seule croix par laquelle on peut se sauver et cette croix est donnée à l’Eglise catholique ; elle n’est pas donnée aux autres. A son Eglise, qui est son épouse mystique, le Christ a donné toutes ses grâces. Aucune grâce au monde, aucune grâce dans l’histoire de l’humanité ne sera distribuée sans passer par elle.

Cela veut-il dire qu’aucun protestant, aucun musulman, aucun bouddhiste, aucun animiste ne sera sauvé ? Non, et c’est une deuxième erreur de le penser. Ceux qui crient à l’intolérance en entendant la formule de saint Cyprien « Hors de l’Eglise point de salut » rejettent le Credo : » Je reconnais un seul baptême pour la rémission des péchés » et sont insuffisamment instruits de ce qu’est le baptême. Il y a trois façons de le recevoir : le baptême de l’eau, le baptême du sang (c’est celui des martyrs ayant confessé leur foi alors qu’ils étaient encore catéchumènes) et le baptême de désir.

Le baptême de désir peut être explicite. Bien des fois, en Afrique, nous entendions un de nos catéchumènes nous dire : « Mon père, baptisez-moi tout de suite, car si je mourais avant votre prochain passage, j’irais en enfer. » Nous lui répondions : « Non ; si vous n’avez pas de péché mortel sur la conscience et si vous avez le désir du baptême, vous en avez déjà la grâce en vous. »

Telle est la doctrine de l’Eglise, qui reconnaît aussi le baptême de désir implicite. Il réside dans l’acte de faire la volonté de Dieu. Dieu connaît toutes les âmes et il sait par conséquent que dans les milieux protestants, musulmans, bouddhistes et dans toute l’humanité, il y a des âmes de bonne volonté. Elles reçoivent la grâce du baptême sans le savoir, mais d’une manière effective. Par là même elles rejoignent l’Eglise.
Mais l’erreur consiste à penser qu’elles se sauvent par leur religion. Elles se sauvent dans leur religion mais non par elle. On ne se sauve pas par l’islam ou par le shintoïsme. Il n’y a pas d’Eglise bouddhiste au ciel, ni d’Eglise protestante. Ce sont des choses qui peuvent paraître dures à entendre, mais la vérité est là. Ce n’est pas moi qui ai fondé l’Eglise, c’est Notre-Seigneur, c’est le Fils de Dieu. Nous sommes obligés, nous, prêtres, de dire la vérité.

Mais au prix de quelles difficultés les hommes des pays non pénétrés par le christianisme arrivent-ils à recevoir le baptême de désir ! L’erreur est un écran au Saint-Esprit. Cela explique que l’Eglise ait toujours envoyé des missionnaires dans tous les pays du monde, que des multitudes d’entre eux y aient connu le martyre. Si l’on peut trouver le salut dans n’importe quelle religion, pourquoi traverser les mers, aller se soumettre, sous des climats insalubres, à une vie pénible, à la maladie, à une mort précoce ? Dès après le martyre de saint Etienne, le premier à avoir donné sa vie pour le Christ et que l’on fête pour cette raison le lendemain de Noël, le 26 décembre, les Apôtres se sont embarqués pour aller répandre la bonne nouvelle dans le bassin méditerranéen ; l’auraient-ils fait si l’on se sauvait aussi bien dans le culte de Cybèle ou par les mystères d’Eleusis ? Pourquoi Notre-Seigneur leur aurait-il dit : « Allez évangéliser les nations » ?

Il est ahurissant qu’aujourd’hui certains prétendent laisser chacun trouver son chemin vers Dieu selon les croyances en vigueur dans son « milieu culturel ». A un prêtre qui voulait convertir de petits musulmans, son évêque a dit : « Mais non, faites-en de bons musulmans, ce sera beaucoup mieux que d’en faire des catholiques ! » On m’a certifié, et je puis le dire de manière certaine, que les pères de Taizé avaient demandé, avant le concile, d’abjurer leurs erreurs et de devenir catholiques. Les autorités leur ont dit alors : « Non, attendez ! Après le concile, vous serez le pont entre les catholiques et les protestants. »

Ceux qui ont fait cette réponse ont pris une lourde responsabilité devant Dieu, car la grâce vient à un moment, elle ne vient peut-être pas toujours. Actuellement, les chers pères de Taizé, qui ont sans doute de bonnes intentions, sont toujours hors de l’Eglise et ils sèment la confusion dans l’esprit des jeunes qui vont les voir.

J’ai parlé des conversions qui ont brutalement tari dans des pays comme les Etats-Unis, où on en comptait 170 000 environ par an, la Grande-Bretagne, la Hollande… L’esprit missionnaire s’est éteint parce qu’on a donné une mauvaise définition de l’Eglise, et à cause de la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse, dont il me faut maintenant parler. »

Mgr Lefevbre, in lettre ouverte aux Catholiques perplexes, publié pour la première fois en 1985